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Retourner la terre en décembre comme les anciens : pourquoi Claude et Lydia Bourguignon alertent sur ce geste qui épuise en silence votre potager


On a longtemps sorti la bêche en décembre, convaincu qu’il fallait retourner la terre pour bien préparer le potager. À l’heure du sol vivant et du dos fragile, ce geste at-il encore vraiment sa place ?
Chaque hiver, la scène se répète dans bien des jardins : en manteau épais, bêche à la main, on retourne la terre du potager en se souvenant que “les anciens” faisaient déjà comme ça. Décembre serait, dans beaucoup d’esprits, le moment idéal pour casser les mottes, enfouir les mauvaises herbes et “préparer” le sol pour le printemps. Ce geste apparaît tellement évident qu’on le réalise parfois sans se demander ce qui se passe réellement sous nos pieds.
Depuis quelques années pourtant, la notion de sol vivant a bousculé ces certitudes. Les jardiniers amateurs, agronomes et passionnés de permaculture s’interrogent : retourner la terre en plein hiver ne serait-il pas au contraire déranger une vie souterraine précieuse, déjà ralentie par le froid ? La question prend une autre dimension quand on lit les échanges de jardiniers qui ont abandonné la bêche… sans perdre leurs récoltes, bien au contraire.
Retourner la terre en hiver : pourquoi les anciens le faisaient
Si nos aînés sortaient la bêche à l’approche de l’hiver, ce n’était pas par hasard. Bêcher en profondeur devait permettre d’aérer la terred’enfouir les restes de cultures et les dernières herbes indésirables, mais aussi d’exposer les larves et les parasites au gel. Sans paillage ni engrais verts à disposition, cette remise à zéro hivernale passait par un travail manuel, tantôt sur de petites surfaces, tantôt sur de grands potagers familiaux.
Sur les sols lourds et argileux, cette pratique répondait aussi à une réalité physique : en retournant de grosses mottes en fin d’automne, on comptait sur l’alternance gel-dégel pour les fragmenter naturellement. Certains jardiniers du forum Rustica expliquent encore qu’ils ont longtemps pratiqué ainsi, avant de modifier progressivement leur manière de faire en ajoutant fumier, compost ou BRF en surface. Au fil du temps, la structure du sol change et ce qui semblait indispensable ne l’est plus nécessairement.
Faut-il encore retourner la terre en décembre dans un potager moderne ?
Ce que l’on sait aujourd’hui du sol en décembre change le regard sur ce vieux réflexe. Sous une surface qui apparaît figée, la vie continue à tourner au ralenti : bactéries, champignons, vers de terre et micro-faune prolongent la lente décomposition des résidus organiques. Cette transformation nourrit discrètement le potager du printemps suivant et maintient une structure grumeleuse précieuse pour les cultures. Quand on retourne brutalement la terre en plein hiver, on bouleverse ces canapés, on expose les organismes au froid et on laisse les pluies et le vent tasser ou éroder la surface.
Pour cette raison, de nombreux spécialistes du jardin sans travail et beaucoup de jardiniers expérimentés ne recommandent plus de retourner la terre en profondeur en décembre, sauf cas très particulier. Ils préfèrent garder le sol couvert, laisser les racines des légumes se décomposer sur place et réserver, au besoin, un simple décompactage à la grelinette ou à l’aéro-bêche au printemps, quand l’activité biologique se répartit. Sur le forum Rustica, plusieurs témoignages font référence à un potager “de feignant” : pas de motoculteur, un sol paillé tout l’hiver et, au final, moins d’arrosage et quasiment plus de désherbage. C’est très parlant pour qui redoute aussi le mal de dos lié à la bêche.
Préparer son potager sans travail : que faire à la place en décembre
Concrètement, décembre devient alors moins le mois du retour que celui de la protection du sol. L’idée est simple : au lieu de mettre la terre à nu, on lui offre une couverture. Beaucoup suivent par exemple la voie décrite par Dominique Soltner ou par des jardiniers inspirés par Claude et Lydia Bourguignon : à l’automne, sur étale une épaisse couche de feuilles mortesde foin ou de paille, parfois complétée par un peu de compost mûr. Ce “matelas” freine le lessivage, limite le froid en profondeur et nourrit progressivement la faune du sol.
En décembre, les gestes utiles deviennent alors beaucoup plus doux :
- compléter le paillage hivernal là où la terre reste nue, avec feuilles mortes, foin ou paille plutôt qu’enfouir du BRF frais ;
- arracher seulement les herbes vraiment gênantes et laisser sur place, en surface, le reste des résidus de culture ;
- laisser les racines de nombreux légumes se décomposer dans le sol, ce qui entretient naturellement une bonne porosité ;
- installer, si la saison le permet encore, des engrais verts ou, sinon, recouvrir directement de matières organiques ;
- éviter de marcher sur le potager détrempé, pour ne pas tasser davantage les parcelles.
La façon d’appliquer ces principes dépend évidemment du type de sol et du climat local. Sur une terre très argileuse et compacte, certains vont garder un léger travail mécanique ponctuel avant de passer, année après année, à des pratiques de couverture permanente. Sur des sols déjà bien structurés, un simple entretien de surface suffit. Ce mouvement vers moins de travail et plus de sol vivant, qu’on retrouve dans les échanges de jardiniers comme dans les travaux de spécialistes, montre surtout qu’il n’y a plus d’obligation de retourner la terre en décembre : chacun peut adapter l’héritage des anciens à son terrain, à sa santé et à son envie de voir un potager durablement fertile.











